Entre itinérance et fin de vie
Dans une société où la singularité et l'autonomie sont devenues les valeurs centrales, ses membres étant incités à se concevoir comme les auteurs responsables de leur trajectoire, l'intervention sociale est traversée par des recompositions qui affectent les manières d'envisager les problèmes sociaux. En effet, elle prend de moins en moins la forme d'une prise en charge que celle d'un accompagnement, et le sujet de cette intervention est de plus en plus défini par sa capacité à agir par et sur lui-même. Afin de mieux cerner cette transformation, l'auteure a choisi un terrain d'enquête aussi inhabituel que peu fréquenté : la fin de vie et l'itinérance. Elle présente ainsi deux dispositifs d'accompagnement situés à Montréal, l'un s'adressant à des hommes sans-abri, l'autre à des personnes gravement malades et en fin de vie aux prises avec le VIH. Fruit de l'observation directe, d'entretiens et du recueil de sources documentaires, ce livre permet de plonger dans le déroulement quotidien des pratiques d'intervention, que ce soit dans l'enceinte d'un bureau, à l'heure du repas, au chevet d'un mourant, dans le cadre de réunions d'équipes, de conversations informelles ou par les notes prises quotidiennement par les intervenants. Des situations-limites comme celles présentées dans ces pages constituent des révélateurs exemplaires de ce qu'une société définit comme ses conceptions ordinaires de la vie et permettent de sonder l'essence même du lien social là où il semble proche de la rupture. Car entre presque rien et rien, il y a tout un monde, pour paraphraser Musset, et c'est sur « ce qui reste », sur ce « presque-rien », mais tout de même quelque chose, que l'intervention sociale peut avoir prise.
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Presses de l'Université du Québec - livre canadien
Sciences sociales / Général