T'es fou l'artiste!
"Et l'artiste..."
C'en est fini de la besogne hebdomadaire! Ma démission est enfin chose faite. Sans cérémonie ni fête d'adieu. La dernière
journée de boulot comme toutes les autres : aussi routinière, aussi insipide, aussi mortelle que les trois mille sept cents
autres de ma fausse carrière. Seize ans de présence pour gagner ma pitance comme professionnel respectable. Conformément à
mon devoir d'adulte. Une ombre entre quatre murs, autour d'une table de réunion auprès d'un bureau. Une tête au-dessus
d'un drap gris.
En ce dernier jour de réclusion, le soleil brillait. C'était en quelque sorte la répétition du premier départ, beaucoup
plus difficile celui-là, mon départ du domicile conjugal. Au jour Un, j'ai cessé de cohabiter avec Caroline, j'ai fait ce
saut pour franchir la porte de ma cage. J'ai tenté d'expliquer à Caroline pourquoi je devrais m'éloigner d'elle et vivre
seul dans un meublé pour réaliser enfin ma véritable ambition. Elle n'a pas compris. Elle ne comprenait pas que je n'en
puisse plus de me plier avec le sourire à la dictature sociale, que je suffoquais dans le beau régime étatique. Elle a
dit : "Qu'est-ce que j'ai fait de mal?" J'ai répondu : "Rien, c'est pas toi, je t'aime toujours." Elle n'a pas fait
obstacle, mais n'acceptait pas. J'aurais aussi aimé qu'elle accepte. Une autre illusion fuyait avec la rafale de la
vie.
Du même éditeur
DE MORTAGNE - livre canadien